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Le Conseil du statut de la femme estime qu’il faut protéger les mères porteuses et les enfants

Québec, le 18 février 2016 — Après une réflexion approfondie, le Conseil du statut de la femme a modifié sa position traditionnelle au sujet des mères porteuses. Il demeure fermement opposé à la maternité pour autrui commerciale, mais il estime qu’il faut reconnaître la validité du choix que font des mères porteuses québécoises, quand il est fait par altruisme, sans rémunération. Dans ces cas-là, le Conseil propose de mieux protéger ces femmes et leurs enfants.

« On ne peut plus se fermer les yeux : la maternité pour autrui est une réalité au Québec même si les contrats de cette nature ne sont pas reconnus par nos lois. Il faut mettre en place des balises pour limiter les conséquences négatives pour les femmes qui agissent comme mères porteuses et leurs enfants » a déclaré la présidente du Conseil, Mme Julie Miville-Dechêne.

Le Conseil demeure toutefois fermement opposé à l’idée de porter un enfant pour autrui quand il y a rémunération ou présence d’intermédiaires qui en tirent profit. Il recommande d’accroître les efforts pour combattre cette pratique qui existe au pays et à l’étranger. « Pour le Conseil, il s’agit là d’une forme d’exploitation du corps des femmes », a poursuivi la présidente.

Une réflexion adaptée la réalité d’aujourd’hui

C’est au printemps 2014, à la suite de critiques entourant la couverture par l’État de traitements de fertilité reçus par des mères porteuses, que le gouvernement a donné au Conseil le mandat d’étudier cette question. Au cours de son histoire, le Conseil s’est plusieurs fois penché sur ce sujet à une époque où les connaissances sur le phénomène étaient très limitées et où les tribunaux du Québec n’avaient pas encore eu à se prononcer sur des cas concrets. Les conclusions des études récentes sur le sujet, à travers le monde, de même que divers jugements rendus par les tribunaux du Québec, ont poussé le Conseil à mettre à jour sa réflexion.

À la lumière de sa recherche, le Conseil pense qu’une réforme est nécessaire. Des balises devraient être prévues pour les femmes qui souhaitent porter un enfant pour autrui et avoir accès à des traitements de procréation assistée, de même que pour les parents d’intention. Le Conseil souhaite aussi que les parents d’intention aient une responsabilité financière à l’égard de la mère porteuse et de l’enfant en cas d’abandon du projet, ce qui n’est pas le cas actuellement. Certains acquis devraient être maintenus : une mère porteuse devrait pouvoir demeurer la mère légale de l’enfant si elle le désire et elle ne devrait pas être contrainte par des clauses d’un éventuel contrat. Le Conseil recommande aussi que les parents d’intention soient reconnus comme les parents légaux de l’enfant dans les cas où la mère porteuse leur remet volontairement l’enfant.

Pour la rédaction de cet avis sans précédent dans la francophonie, le Conseil a procédé à l’étude approfondie des recherches scientifiques et des politiques publiques à travers le monde. Il a mené sa réflexion dans une perspective éthique féministe, en s’appuyant sur les concepts d’autonomie, d’intégrité et de dignité. À l’issue de sa recherche, il formule quinze recommandations au législateur dans le but de :

  • lutter contre la marchandisation du corps des femmes;
  • contrer le tourisme procréatif en matière de maternité pour autrui;
  • baliser la pratique non rétribuée au Québec;
  • préserver l’autonomie de la mère porteuse et la responsabilité des parents d’intention;
  • minimiser les risques pour la mère porteuse et ne pas pénaliser les enfants issus de cette pratique.

L’ensemble des recommandations est disponible dans l’avis Mères porteuses : réflexions sur des enjeux actuels. Celui-ci ainsi que son résumé peuvent être consultés sur le site Web du Conseil au www.placealegalite.gouv.qc.ca.

Le Conseil du statut de la femme a pour mission de conseiller le gouvernement du Québec et d’informer la population sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes.

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Pour information :

Liliane Côté
Conseillère stratégique
liliane.cote@csf.gouv.qc.ca
Cellulaire : 418 446-2203
Téléphone : 418 643-4326, poste 245


Annexe : Liste des recommandations

  1. Que le gouvernement du Québec fasse pression sur le gouvernement fédéral pour que le ou les règlements relatifs à l’article 12 de la loi fédérale sur la procréation assistée soient adoptés et pour que l’article 12 de cette loi entre en vigueur, afin qu’il soit possible de lutter plus efficacement contre la maternité pour autrui et le don de gamètes sous leurs formes commerciales. Que la réglementation soit rédigée de manière qu’elle permette une véritable lutte contre la marchandisation des fonctions reproductives des femmes et qu’elle prévoie des mécanismes permettant son application réelle.
  2. Que des poursuites soient intentées par les autorités compétentes contre les intermédiaires et les parents d’intention qui contreviennent aux dispositions de la loi fédérale sur la procréation assistée relatives à la maternité pour autrui commerciale et à la rétribution des donneuses d’ovules et des donneurs de sperme.
  3. Que le gouvernement du Québec fasse pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il cesse de fournir tout document essentiel à la poursuite d’un projet de maternité pour autrui commerciale à l’extérieur du Canada et qu’il cesse de diffuser des informations normalisant ou banalisant le recours à la maternité pour autrui commerciale à l’extérieur du pays. Qu’il soit plutôt rappelé à la population que la maternité pour autrui commerciale est une pratique criminalisée au Canada.
  4. Que le gouvernement du Québec invite le gouvernement fédéral à s’engager à lutter, sur la scène internationale, contre la possibilité de faire appel à une mère porteuse dans les États où se pratique la maternité pour autrui commerciale pour les ressortissants d’un pays où cette pratique est interdite.
  5. Que toute réforme éventuellement entreprise par le législateur québécois concernant les projets parentaux impliquant le recours à une mère porteuse continue de garantir que la mère porteuse puisse être la mère légale de l’enfant si elle le désire; que celle-ci puisse changer d’idée pendant la grossesse et qu’elle dispose d’une période de réflexion après la naissance.
  6. Que toute réforme éventuellement entreprise par le législateur québécois concernant les projets parentaux impliquant le recours à une mère porteuse continue de garantir que les mères porteuses ne soient pas contraintes de se soumettre aux clauses prévues par une entente de maternité pour autrui, quelles qu’elles soient.
  7. Que le législateur québécois introduise une responsabilité financière du ou des parents d’intention à l’égard de l’enfant et de la mère porteuse en cas de retrait du projet de maternité pour autrui pendant la grossesse ou après la naissance, sans égard à la filiation qui sera éventuellement établie.
  8. Que le législateur québécois prévoie que, dans les cas de remise volontaire de l’enfant par la mère porteuse au ou aux parents d’intention, lorsque le projet est conforme aux lois et à l’éthique, la filiation s’établisse par un mécanisme administratif qui reconnaîtrait le ou les parents d’intention comme les parents légaux. Ce mécanisme devrait notamment prévoir l’inclusion d’une preuve du consentement libre et éclairé de la mère porteuse avant la conception de l’enfant et après sa naissance, de même qu’un délai de 30 jours accordé à la mère porteuse pour rétracter son consentement.
  9. Que, tout en s’engageant à lutter contre la maternité pour autrui sous sa forme commerciale et contre les atteintes aux droits des mères porteuses au Québec et à l’étranger et tout en s’engageant à exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour que certains projets de maternité pour autrui à l’étranger puissent être bloqués avant la conception de l’enfant, le gouvernement québécois règle les dossiers des enfants nés d’une mère porteuse de manière à ne pas les priver d’une filiation qui serait le reflet de leur vécu au quotidien.
  10. Qu’une réforme éventuellement entreprise par le législateur concernant les projets parentaux impliquant le recours à une mère porteuse ne vise pas uniquement la question de la filiation. Des mesures devraient notamment être prévues pour s’assurer du consentement libre et éclairé des mères porteuses dès le début du projet. Au minimum, la mère porteuse devrait être majeure et avoir déjà vécu une grossesse et un accouchement s’étant déroulé sans problème majeur. Une évaluation psychosociale des parents d’intention devrait être requise et tout projet de maternité pour autrui qui serait mené pour une raison de convenance de la part d’un parent d’intention devrait être rejeté.
  11. Que les mères porteuses soient obligatoirement informées de leurs droits avant la conception, pendant la grossesse, à l’accouchement et dans la période suivant la naissance. Que les parents d’intention soient également informés de leurs droits et de leurs obligations.
  12. Qu’une réforme éventuellement entreprise par le législateur concernant les projets parentaux impliquant le recours à une mère porteuse garantisse qu’une mère porteuse qui changerait d’idée pendant la grossesse ou après la naissance n’aurait pas à rembourser les frais éventuellement engagés par les parents d’intention à ce stade. En effet, anticiper des conséquences financières négatives pourrait nuire au caractère libre du consentement de la mère porteuse.
  13. Qu’il soit obligatoire de déclarer au Directeur de l’état civil du Québec qu’un enfant est né d’une mère porteuse, que la conception de l’enfant ait résulté ou non d’une technique de procréation assistée. Qu’un registre des enfants nés d’une mère porteuse soit créé à partir de ces déclarations. Que le gouvernement évalue la possibilité de transmettre certaines des informations contenues dans ce registre aux enfants nés d’une mère porteuse.
  14. Que la conduite de projets de recherche sur la maternité pour autrui soit encouragée et soutenue financièrement. En particulier, les études devraient chercher à documenter le profil sociodémographique des mères porteuses, les répercussions de la maternité pour autrui sur leur santé physique et psychologique, de même que sur leur parcours professionnel. Des études devraient aussi être menées auprès des parents d’intention québécois, des enfants québécois qui sont nés de mères porteuses ayant donné naissance au Québec ou à l’extérieur du Québec, de même qu’auprès d’enfants dont la mère a porté un enfant pour autrui.
  15. Que toute réforme entreprise par le gouvernement en matière de maternité pour autrui soit évaluée après cinq ans.

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