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Maude Tremblay,
pour l’amour des vaches
et de la génétique

L’amour de Maude Tremblay pour les animaux est né de son réseau social à Saint-Gabriel-de-Rimouski : d’abord sur la ferme ovine familiale de son amie d’enfance, puis au contact des vaches d’un copain et des encans d’animaux auxquels elle assiste avec lui.

Maude Tremblay entreprend une formation spécialisée en agriculture avec le soutien de ses parents, convaincue qu’une carrière dans le monde agricole la rendrait heureuse. Elle obtiendra un diplôme d’études collégiales (DEC) en santé animale suivi d’un diplôme d’études professionnelles (DEP) en production animale. Un parcours singulier dans le contexte où la formation spécialisée en agriculture est une affaire généralement masculine : 62 % de la relève féminine est titulaire d’un DEC spécialisé en agriculture comparativement à 83 % de la relève masculine.

Faire ses preuves

Diplômes en poche, Maude roule sa bosse pendant six ans sur une exploitation spécialisée en bovins de boucherie située à Sainte-Florence, au cœur de la vallée de la Matapédia, à plusieurs kilomètres de sa ville natale. Ses capacités sont mises en doute : en coulisses, on demande à son nouvel employeur ce qu’il va bien faire avec une fille sur sa ferme. Pourtant, Maude y assumera l’entière responsabilité de la gestion du troupeau, outre qu’elle sera mise à contribution dans la réflexion et les décisions touchant à la gestion et à la croissance de l’exploitation.

Elle y travaillera avec acharnement, comme s’il s’agissait de sa propre entreprise, et parviendra à gagner la confiance des propriétaires d’exploitations voisines. Les offres d’emploi commencent alors à se multiplier. Cependant, l’idée de s’établir en agriculture la turlupine. Même si son désir d’autonomie est grand, Maude songe au poids du travail et des responsabilités financières liées à un tel investissement en solo.

S’établir

Contre toute attente, son employeur lui propose une offre qu’elle estime impossible à refuser : acheter le cheptel et la machinerie à un prix fixé sous la valeur marchande avec, en prime, une garantie de prêt contracté dans une institution financière.

Au printemps 2017, Maude prend possession de la machinerie et des animaux, des vaches reproductrices (aussi nommées « vaches à bœuf ») et des veaux. Elle compte ainsi parmi la relève féminine qui, en 2016, choisissait de s’établir par transfert non apparenté ou par démarrage dans une proportion plus grande que la relève masculine, soit 57 % des filles comparativement à 40 % des garçons.

Le contrat de vente ne prévoit aucun titre de propriété de la terre. Maude doit la louer pour cultiver les céréales destinées au bétail. Grâce à un contrat notarié, elle est cependant assurée de pouvoir louer la superficie dont elle a besoin à un coût raisonnable, même si la terre venait à être vendue. Dans ce cas, l’occasion d’acheter la terre agricole serait d’abord offerte aux membres de la famille du vendeur, puis à Maude.

Les ressources financières sont déterminantes durant la première année d’établissement. Maude a dû patienter pendant près d’une année avant de percevoir les premières rentrées d’argent venant de la vente des animaux. Pendant cette période, elle a pu compter sur une source régulière de revenu grâce au programme Soutien au travail autonome mis en œuvre par Emploi-Québec.

« Les défis que la jeune productrice est appelée à relever depuis l’acquisition de son exploitation sont principalement d’ordre managérial et financier. »

Les défis que la jeune productrice est appelée à relever depuis l’acquisition de son exploitation sont principalement d’ordre managérial et financier. Maude a la chance de bénéficier d’un mentorat de la part de l’ancien propriétaire, notamment en matière de comptabilité; elle apprend ainsi plusieurs trucs et astuces pour économiser et rentabiliser les investissements.

Le travail agricole est réparti avec un ouvrier employé à temps plein. Ce mécanicien de formation pallie le manque de connaissances et d’intérêt de Maude pour la mécanique : « Je les conduis tous les tracteurs, mais quand c’est brisé, je le parque là, puis je dis : ‘Il est brisé’. » Elle préfère s’employer aux travaux étroitement liés à son rôle de propriétaire et qui la passionnent, comme le bien-être des vaches, le suivi génétique de même que la gestion et le développement de son entreprise.

La jeune propriétaire se donne des moyens concrets pour optimiser ses conditions de travail, notamment en investissant dans l’achat d’outils technologiques. Par exemple, elle utilise un instrument qui détecte l’approche du vêlage. Installé sur la queue de la vache, le dispositif électronique en mesure l’activité et transmet cette information à la propriétaire, par texto. Maude se sert aussi d’un système de caméras grâce auquel elle peut surveiller à distance la mise bas. De cette façon, elle peut s’éloigner des lieux où se déroulent les naissances, et ce, sans compromettre la santé des animaux ni la qualité de son propre sommeil!

Quand visibilité rime avec crédibilité

L’environnement dans lequel Maude exerce son métier est encore majoritairement masculin. Même si la production de bovins représente une spécialité choisie quasi également par la relève féminine (9 %) et masculine (8 %), il faut garder en tête que les filles ne forment encore que 27 % de la relève agricole. Concrètement, cela veut aussi dire que l’activité dont la productrice bovine tire l’essentiel de son revenu d’exploitation, c’est-à-dire l’encan, est fréquentée par des hommes en grande majorité.

Cependant, au fil des transactions d’affaires, Maude Tremblay y est plus en vue et son expertise se trouve progressivement reconnue. Cette reconnaissance sociale semble aussi liée à la visibilité virtuelle que Maude établit par son activité sur le réseau social Facebook, que ce soit sur la page de son exploitation ou sur celle de groupes fermés spécialisés, comme celui de Génétique Bovine Québec.

Maude envisage l’avenir de son exploitation en se spécialisant dans l’élevage de femelles pur-sang et hybrides, c’est-à-dire issues du croisement de deux individus. Aux yeux de la nouvelle entrepreneure, la production d’animaux de grande qualité, dont la valeur marchande est plus élevée, s’avère le meilleur moyen pour parvenir à augmenter ses revenus. En d’autres mots, elle souhaite « grossir de l’intérieur ».

À cette fin, elle pratiquera donc des croisements de races pour façonner de meilleurs veaux. Et la voie qu’elle entend prendre est bien engagée : Maude Tremblay a déjà acheté plusieurs animaux pur-sang de génétique supérieure afin de pouvoir ainsi améliorer la qualité et la productivité de son troupeau d’année en année.

Coup d’œil sur la production de bovins de boucherie

En 2016, le secteur de la production de bovins de boucherie regroupe au Québec 2 474 exploitations agricoles sur un total de 28 919. Ce nombre a diminué de près de 15 % par rapport à l’année 2011. Dans la province, la quantité de bovins de boucherie a baissé de 18 % comparativement à l’année 2011. L’augmentation des prix aurait été propice à la vente de troupeaux pour certains exploitants désireux de prendre leur retraite ou de se concentrer sur d’autres aspects de la production agricole. Ce type de production représente le choix de 8 % de la relève agricole établie au Québec en 2016. La proportion de femmes et d’hommes de la relève agricole qui choisissent ce secteur se chiffre à 9 % chez les premières et à 8 % chez les seconds.

Proportion de la relève
dans ce secteur

9 %

Proportion de la relève
dans ce secteur

8 %