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Commentaires au sujet du projet de loi no 20, sur les articles modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée



Voici les commentaires que la présidente du Conseil du statut de la femme, Madame Julie Miville-Dechêne, a fait parvenir au ministre de la Santé et des Services sociaux, Monsieur Gaétan Barrette, le 17 décembre 2014.

Le Conseil du statut de la femme salue la volonté du gouvernement d’encadrer de façon plus serrée le programme de procréation assistée du Québec. Dans un mémoire déposé auprès du Commissaire à la santé et au bien-être lors de ses consultations sur le sujet en mai 2013 (Des pistes d’amélioration pour le programme de procréation assistée), le Conseil du statut de la femme a fait plusieurs recommandations en ce sens.

Je me dois toutefois de vous transmettre mon profond étonnement de constater que le projet de loi modifie la tranche d’âge pour laquelle une fécondation in vitro (FIV) est permise pour les femmes. À l’article 3 du projet de loi, il est indiqué que l’article 10.1 serait ajouté à la loi et se lirait comme suit : « Aucune activité de fécondation in vitro ne peut être exercée chez une femme âgée de moins de 18 ans ou de plus de 42 ans. »

Je comprends qu’étant donné les faibles taux de succès d’implantation d’embryons chez les femmes de plus de 42 ans, cela soit une préoccupation pour le gouvernement, particulièrement dans une perspective de contrôle des coûts d’un programme populaire comme celui-ci.

Toutefois, ce qui m’apparait injustifiable, c’est que cette modification ne toucherait pas seulement les femmes souhaitant avoir recours au programme public; ce serait désormais l’ensemble des femmes, même celles qui sont prêtes à assumer la totalité des coûts, qui se verraient interdire l’accès à la FIV lorsqu’elles atteignent l’âge de 42 ans.

Lorsqu’on observe la situation ailleurs au pays et dans le monde, on constate qu’aucune autre juridiction n’applique des critères aussi sévères aux femmes qui souhaitent avoir recours à des services de procréation assistée. Selon les informations dont nous disposons, dans le reste du Canada et aux États-Unis, aucun règlement officiel ne fixe une telle limite d’âge pour ce qui est des services non couverts. En Belgique et en France, les femmes de 42 ans et moins peuvent avoir recours au programme public de procréation assistée, et ce, en utilisant leurs propres ovules. En Belgique, le prélèvement d’ovules est permis jusqu’à 45 ans, et le transfert d’embryons, jusqu’à 47 ans. La limite d’âge de 42 ans ne touche que la couverture des frais par le système public. Et au Danemark, la procréation assistée est couverte jusqu’à 40 ans, mais permise dans le privé jusqu’à 45 ans. Une limite de 42 ans pour les services de procréation assistée au public et au privé n’est donc pas la norme dans les systèmes comparables aux nôtres.

Pourquoi mettre en place une mesure aussi sévère, alors que cette modification à la loi n’entraînerait sans doute pas d’économie pour les contribuables. Comment justifier une telle interdiction, alors que des femmes sont prêtes à assumer personnellement les coûts de leurs traitements de fertilité, sans que la facture ne soit refilée à l’État québécois? Afin de réduire le nombre et les coûts associés aux grossesses multiples causées par l’implantation de plusieurs embryons, il suffit de restreindre par voie de règlement le nombre d’embryons autorisés par cycle de fécondation.

Je suis convaincue que certaines des femmes qui ne pourront pas se prévaloir des traitements de fertilité au Québec vont choisir d’aller en Ontario ou aux États-Unis pour les obtenir. Mais au bout du compte, c’est le système de santé public québécois qui paiera la facture en cas de complications, notamment dans les cas de grossesses multiples. La solution proposée, soit d’interdire toute FIV après l’âge de 42 ans, même en dehors du programme public, me semble rater la cible si les motifs sont de contrôler les coûts du programme.

Je vous invite, Monsieur le Ministre, à reconsidérer cet article du projet de loi, afin qu’il soit moins contraignant, et ne s’applique qu’au programme public de procréation assistée. Les femmes qui le souhaitent devraient pouvoir avoir recours, à leurs frais, aux traitements après 42 ans, si certaines balises éthiques sont établies.

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