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État civil des personnes transgenres



Voici la lettre que la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Julie Miville-Dechêne, a fait parvenir le 19 mai 2015 à la ministre de la Justice et ministre responsable de la Condition féminine, Mme Stéphanie Vallée, au sujet des modifications proposées au Règlement relatif au changement de nom et d’autres qualités de l’état civil pour les personnes transsexuelles ou transgenres.

Le Conseil du statut de la femme a pris connaissance des modifications proposées au Règlement relatif au changement de nom et d’autres qualités de l’état civil pour les personnes transsexuelles ou transgenres, et tient à vous présenter quelques remarques générales sur le projet de réforme, afin d’enrichir le débat féministe à ce sujet.

Le projet de règlement vise à mettre en vigueur la Loi modifiant le Code civil en matière d’état civil, de successions et de publicité des droits, en abolissant la condition suivant laquelle les personnes transgenres doivent avoir subi une chirurgie de réassignation de sexe pour obtenir un changement de la mention du sexe à leur acte de naissance.

Le projet de règlement établit les conditions à remplir pour obtenir le changement de la mention du sexe au registre de l’état civil :

  • le demandeur doit déclarer vivre depuis au moins deux ans sous l’apparence du sexe pour lequel un changement de mention est demandé et avoir l’intention de vivre sous cette apparence jusqu’à son décès;
  • un médecin, un psychologue, un psychiatre ou un sexologue disant avoir évalué ou suivi le demandeur doit confirmer que le changement de la mention du sexe figurant à l’acte de naissance du demandeur est approprié;
  • une personne majeure qui atteste connaître le demandeur depuis au moins deux ans doit déclarer sous serment que, à sa connaissance, celuici vit en tout temps et depuis au moins deux ans sous l’apparence du sexe pour lequel un changement de mention est demandé.

À l’instar de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Conseil salue la modification abolissant l’obligation d’avoir subi une chirurgie de réassignation de sexe pour obtenir un changement de la mention du sexe sur l’acte de naissance. La Commission a soutenu en plusieurs occasions que « l’assujettissement du changement de la mention du sexe ou de son prénom à une telle condition constituait une atteinte discriminatoire à des droits fondamentaux protégés par la Charte » (CDPDJ, 2015).

D’autre part, les pressions du mouvement des femmes au cours des dernières décennies ont permis qu’émerge, dans les institutions publiques québécoises comme dans celles de la plupart des pays occidentaux, une compréhension des inégalités entre les sexes comme un phénomène social, non fondé sur la biologie ou la nature. Il nous apparaît important que le débat entourant le changement d’identité de genre au registre de l’état civil ne soit pas l’occasion de réintroduire des conceptions essentialistes de ce que sont les femmes et les hommes, notamment en les réduisant à leurs appareils génitaux. C’est à partir du moment où les sexes sont définis comme des catégories socialement construites qu’il devient possible de lutter contre les stéréotypes associés aux visions traditionnelles de l’un et l’autre sexe, et d’instaurer une vision égalitaire des rapports entre les femmes et les hommes.

De même, il est important, pour le Conseil, de ne pas dépeindre les personnes transgenres comme menaçant, plus que d’autres groupes, la sécurité et l’intégrité physique des femmes. Le changement d’identité de sexe est une démarche complexe, qui est souvent accompagnée de stigmatisation et de marginalisation pour les personnes qui l’entreprennent. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle des personnes transgenres pourraient usurper le processus de changement de sexe à l’état civil pour investir des espaces non-mixtes et indisposer les autres personnes présentes semble être sans fondement. Au contraire, pour le moment, rien ne permet de croire, par exemple, que la présence des personnes transgenre dans les maisons d’hébergement pour les femmes génère des problèmes de sécurité. Les responsables de plusieurs maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence nous ont affirmé que cet enjeu ne constituait pas une menace pour leur clientèle. Les demandes d’hébergement sont traitées au cas par cas, et dans l’éventualité où une maison ne dispose pas des services adéquats pour une personne, cette dernière sera référée à un autre point de service. Certaines maisons d’hébergement demandent que la personne soit identifiée officiellement comme femme (c.-à-d. que les documents d’état civil indiquent le sexe féminin), alors que d’autres acceptent les personnes qui s’identifient comme femme, et basent l’admission sur d’autres critères (ex : ouverture à la vie de groupe, non-agressivité, etc.).

L’un des principes poursuivis par la réforme envisagée est la reconnaissance de la capacité de chaque personne de se définir en choisissant le genre qui correspond le mieux à la perception qu’elle a d’elle-même. C’est ce principe sousjacent qui pousse le Conseil du statut de la femme à accueillir favorablement le projet de règlement modifiant le Règlement relatif au changement de nom et d’autres qualités de l’état civil. Ce serait un retour en arrière, selon nous, de « naturaliser » le débat en refusant de reconnaître comme femmes des personnes qui se perçoivent comme telles, au prétexte qu’elles n’ont pas les attributs anatomiques et physiques féminins.

Cette lettre constitue une réflexion préliminaire. Le Conseil du statut de la femme n’a pas eu le temps nécessaire pour produire un mémoire dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de règlement relatif au Règlement sur le changement de nom et d’autres qualités de l’état civil pour les personnes transsexuelles ou transgenres.

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