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Garde des enfants : un casse-tête pour plusieurs femmes

La première vague de la pandémie a entraîné la fermeture des services de garde, des écoles et de certains camps de jour. Les parents ont dû user d’imagination pour concilier efficacement travail à la maison et garde ou éducation des enfants. Ce contexte a mis en exergue l’importance cruciale des services de garde au Québec, mais aussi la fragilité de ce réseau pourtant essentiel au maintien en emploi des femmes.

Publié le 28 septembre 2020

Le Québec dispose d’un réseau de services de garde de qualité et accessibles financièrement, faisant l’envie de nombreuses régions du monde. Composé des centres de la petite enfance (CPE) ainsi que des garderies et milieux familiaux subventionnés et non subventionnés, il compte un peu plus de 300 000 places. Au Québec, un enfant d’âge préscolaire sur six fréquente un de ces milieux, en plus des quelque 363 000 enfants qui fréquentent un service de garde en milieu scolaire.

Un réseau unique… mais une pénurie de places

Selon l’économiste Pierre Fortin, ce réseau créé dans les années 1990 a eu un effet positif sur la situation financière des femmes, favorisant une plus grande participation de celles-ci au marché du travail. En effet, d’après des données de Statistique Canada, le taux d’activité des mères de jeunes enfants a connu une hausse de 13 points entre 1998 et 2014. En ayant accès à des services de garde à prix abordable, les femmes sont plus susceptibles de retourner travailler après la naissance de leur enfant.

Ces milieux de garde sont toutefois loin de suffire à la demande. Environ 46 000 enfants sont présentement en attente d’une place dans le réseau. Au terme de leur congé parental, plusieurs mères peinent à trouver une place pour leur poupon, ce qui compromet leur retour en emploi. Les conditions de travail peu avantageuses des éducatrices rendent difficiles le recrutement et la rétention de la main-d’œuvre, à 99 % féminine, et réduisent le nombre de places disponibles dans certains milieux de garde. Bien que la charge de travail soit particulièrement élevée, les salaires demeurent modestes, surtout dans les milieux non subventionnés (voir encadré). En milieu scolaire, les horaires coupés sont aussi à l’origine d’un manque criant de personnel. Doit-on s’étonner que le programme Techniques d’éducation à l’enfance ait connu une baisse des inscriptions d’environ 30 % depuis les sept dernières années?

Salaire des éducatrices dans différents milieux de garde

CPE et garderies subventionnées

  • Éducatrices qualifiées (2020) : entre 18,98 $/h et 25,25 $/h
  • Éducatrices non qualifiées (2020) : entre 16,75 $/h et 25,15 $/h

Milieu familial (2020)

  • En moyenne 12,40 $/h

Milieu scolaire (2019)

  • Entre 20,98 $/h et 24,22 $/h

 
Source : Ministère de la Famille, Taux et échelles de salaires du personnel de garde (2015); Convention collective des employées et des employés de soutien des commission scolaires francophones du Québec (2016).

Un réseau fragilisé par la pandémie

Au sommet de la crise liée à la COVID-19, le gouvernement a fermé la plupart des milieux de garde en vue d’assurer la sécurité des enfants et du personnel, et n’a maintenu ouverts que des services d’urgence destinés aux travailleuses et travailleurs essentiels. Pendant et depuis cette période, des mesures sanitaires sont imposées : baisse du nombre d’enfants pouvant être accueillis, règles d’hygiène strictes, etc. Un soutien financier a été offert aux services de garde reconnus visant, principalement, le remboursement de la cotisation parentale et de la subvention versée pour chaque place inoccupée. Les services de garde non reconnus, qui représentent la majorité des milieux familiaux non subventionnés, n’ont toutefois bénéficié d’aucune aide financière.

Les mesures mises en place pour faire face à la COVID-19 ont occasionné des pertes de revenus pour certains milieux de garde, ne serait-ce qu’en raison de l’achat d’équipements et du temps investi dans la désinfection fréquente des jouets et des lieux. Environ 600 services de garde en milieu familial auraient ainsi définitivement fermé leurs portes pendant la pandémie.

La situation n’est guère plus aisée en milieu scolaire. Les éducatrices doivent mettre en place des stratégies pour respecter les règles d’hygiène, la distanciation physique et le concept de « bulle-classe » défini par le gouvernement. De telles mesures sanitaires nécessitent l’embauche de personnel supplémentaire, alors que les postes réguliers peinent déjà à être pourvus. En l’absence de volontaires, des écoles pourraient se voir dans l’obligation de réduire le nombre de places disponibles.

Pénurie de places en service de garde : quel poids pour les femmes?

Sans services de garde, les parents peuvent difficilement concilier leur vie familiale et professionnelle, tout particulièrement les mères. C’est connu : les femmes prennent davantage en charge le travail domestique et les soins aux enfants. Cette inégalité dans le partage des tâches existait bien avant la crise de la COVID-19. Avec la fermeture des garderies, des écoles et même des camps de jour, les femmes sont plus que jamais sollicitées pour prendre soin des enfants. Selon un sondage SOM réalisé pendant le confinement, la conciliation télétravail-soins aux enfants-école à la maison a été vécue plus difficilement par les mères (41 %) que par les pères (34 %).

Selon la chercheuse Maude Pugliese, les individus faisant face à une situation inconnue comme la pandémie actuelle tendent à privilégier les modèles de comportement qu’ils connaissent. Les soins aux enfants étant traditionnellement associés aux femmes, c’est donc vers elles que l’on se tourne pour s’acquitter de ces tâches en cette période d’incertitude.

Par ailleurs, 28 % des mères ont présenté un indice de détresse psychologique élevé (une proportion qui grimpe à 37 % pour celles qui ont de jeunes enfants), comparativement à 17 % des pères. Des mères ont ainsi mis leur carrière en veilleuse ou réduit leur temps de travail pendant le confinement, comme en témoigne un recul de la présence des femmes sur le marché du travail, les exposant à des baisses de revenus et les écartant de possibilités d’avancement de carrière.

Pourquoi les femmes portent-elles davantage le poids de cette conciliation travail-famille en temps de crise? Certes, les femmes perçoivent souvent un revenu inférieur à celui des hommes et elles sont plus nombreuses à occuper des emplois précaires ou à temps partiel. Si les couples doivent se priver d’un salaire pour prendre soin des enfants, ils ont tendance à choisir le plus bas des deux. De plus, comme l’indique la chercheuse Maude Pugliese dans un récent reportage, les individus faisant face à une situation inconnue comme la pandémie actuelle tendent à privilégier les modèles de comportement qu’ils connaissent. Les soins aux enfants étant traditionnellement associés aux femmes, c’est donc vers elles que l’on se tourne pour s’acquitter de ces tâches en cette période d’incertitude.

Conclusion

La reprise économique ne peut avoir lieu sans les femmes, qui représentent la moitié de la population active du Québec. Pour ce faire, les services de garde sont essentiels, comme le reconnaît d’ailleurs le gouvernement en annonçant le maintien des services de garde dans le cas d’une deuxième vague de contagion. Le contexte actuel met en lumière l’importance de consolider ce réseau, précarisé par la pandémie, dont les effets bénéfiques sur la sécurité économique des femmes sont reconnus mondialement.

Ce contenu a été préparé par Marie-Claude Francoeur du Conseil du statut de la femme.

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